News du 10/04/2012 09:20
Le Figaro met en garde contre les lunettes vendues sur Internet

Dans son édition du 6 avril, Le Figaro fait le point sur la vente en ligne de lunettes... en avertissant ses lecteurs de ses risques. « La majorité de ces sites Internet n'offrent pas les mêmes avantages qu'une visite chez un opticien en boutique », souligne le quotidien, en soulignant notamment les imprécisions des prises de mesure à distance.

« Il faut être gonflé pour prétendre à la justesse des mesures »

Le Figaro a testé deux « e-opticiens » (non cités dans l'article) et s'étonnent des méthodes proposées : l'un demande à l'internaute de « se prendre en photo avec une carte vitale collée sur le front », l'autre ne présente « aucun moyen d'effectuer ses mesures, ni de formulaire pour entrer les données nécessaires au montage des verres sur la monture ». Interviewé par le journal, Alain Gerbel, président de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), explique qu'«il faut quand même être gonflé pour faire croire aux gens que leurs mesures seront justes », alors que « les appareils que nous utilisons en magasin permettent d'effectuer des mesures au dixième de millimètre près ». Sa position est défendue par Jean Polier, président d'Easy-verres.com (qui vend des verres sur Internet pour les faire monter chez des opticiens partenaires), qui explique que « les prises de mesures en ligne peuvent donner lieu à une marge d'erreur de trois millimètres ».

Pas d'inconvénients pour les petites corrections selon ophtalmologistes

En revanche, le Dr Jean-Bernard Rottier, président du Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France) temporise. Il assure qu'il « n'y aucun risque d'abîmer l'oeil et de contracter une pathologie oculaire. Dans le pire des cas, on peut avoir les yeux qui piquent, une sensation d'inconfort et de fatigue, des maux de tête. Mais cela arrive aussi bien pour des lunettes achetées sur Internet qu'en boutique». L'ophtalmologiste explique que « pour un astigmatisme inférieur à deux, une hypermétropie inférieure à quatre et une myopie inférieure à six, on peut acheter ses lunettes sur Internet, tout en gardant à l'esprit qu'il y aura toujours un risque».

Opticiens en ligne : gare aux lunettes mal adaptées

Par figaro icon Caroline Piquet - le 06/04/2012
Avec des produits jusqu'à 70% moins chers qu'en magasin, les cyber-opticiens cassent les prix des lunettes. Mais le client n'a pas la garantie de porter des lunettes ajustées, mettent en garde les opticiens traditionnels.

En 2011, un Français sur trois a renoncé à des soins pour des raisons financières, selon un sondage CSA pour Europ Assistance. Parmi les équipements coûteux, les lunettes de vue représentent un lourd investissement pour les personnes ne bénéficiant pas d'une bonne mutuelle. Dans ce contexte, les prix cassés proposés par les opticiens en ligne séduisent de plus en plus. Mais pour générer de telles marges, la majorité de ces sites Internet n'offrent pas les mêmes avantages qu'une visite chez un opticien en boutique. Alors qu'un rendez-vous avec un lunetier permet d'effectuer un centrage rigoureux des verres (mesure des écarts des pupilles et de la hauteur entre le bas de la monture et l'oeil) et d'ajuster la monture, un achat en ligne oblige le client à prendre ses propres mesures à partir d'une webcam ou d'une photo, deux méthodes très approximatives, que dénoncent les opticiens ayant pignon sur rue.

Étudiant, Maxime Seguin-Couturier, 24 ans, s'est acheté une paire de lunettes en ligne l'année dernière. Sur le site, «ils donnent quelques indications pour prendre les mesures, ce n'est pas sorcier, mais je doute que le résultat soit très précis et je me demande encore si j'ai bien pris mes mesures», reconnaît le jeune astigmate, principalement «motivé par le prix du produit». En choisissant une monture de marque, il aurait dû payer entre 250 et 350 euros sa paire de lunettes. En effectuant sa commande sur Internet, il en a eu pour 157 euros.

Pour se faire sa propre opinion, Le Figaro a appelé deux sites d'opticiens en ligne. «Vous vous prenez en photo avec une carte vitale collée sur le front que vous nous envoyez par mail et nous prendrons les mesures à partir du cliché», explique un premier vendeur avant de reconnaître que c'est «handicapant de ne pas voir le client». Sur un autre site contacté, il n'existe aucun moyen d'effectuer ses mesures, ni de formulaire pour entrer les données nécessaires au montage des verres sur la monture.

Des mesures approximatives

«Il faut quand même être gonflé pour faire croire aux gens que leurs mesures seront justes», s'indigne Alain Gerbel, président de la Fédération nationale des opticiens de France. «Les appareils que nous utilisons en magasin coûtent en moyenne 20.000 euros. Ils nous permettent d'effectuer des mesures au dixième de millimètre près mais il nous arrive quand même de faire des erreurs, alors imaginez quand ils font des ajustages avec une photo ou une vidéo», proteste l'opticien.

Sur la toile, Easy-verres.com est l'un des rares opticiens qui proposent aux clients de commander les lunettes en ligne et de les faire monter chez des opticiens partenaires de l'entreprise. «On ne peut pas tout faire sur internet, poursuit Jean Polier, président de la société. Les prises de mesures en ligne peuvent donner lieu à une marge d'erreur de trois millimètres. C'est problématique pour des verres progressifs quand on sait qu'un écart de quatre à cinq millimètres a de fortes chances de réduire le champ visuel», explique-t-il.

«Il n'y aucun risque d'abîmer l'œil»

Néanmoins, le Dr Jean-Bernard Rottier, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France, se veut rassurant: «Il n'y aucun risque d'abîmer l'œil et de contracter une pathologie oculaire. Dans le pire des cas, on peut avoir les yeux qui piquent, une sensation d'inconfort et de fatigue, des maux de tête. Mais cela arrive aussi bien pour des lunettes achetées sur Internet qu'en boutique», ajoute le médecin. Néanmoins, la vigilance est de mise pour les moins de 16 ans, dont la vue est encore amenée à évoluer. «Cela dépend aussi de la correction du patient, précise le Dr Rottier. Pour un astigmatisme inférieur à deux, une hypermétropie inférieure à quatre et une myopie inférieure à six, on peut acheter ses lunettes sur Internet, tout en gardant à l'esprit qu'il y aura toujours un risque», ajoute-t-il.

Environ 30 millions de Français portent des lunettes, renouvelées tous les trois ans en moyenne. Près de 8 millions de paires sont vendues chaque année.



Lentilles et lunettes, qui peut les prescrire ?

Par figaro icon damien Mascret - le 29/09/2011
Un amendement envisage d'élargir les possibilités de prescription pour les opticiens. Les ophtalmos sont en colère.

Les ophtalmologistes ne décolèrent pas depuis qu'ils ont eu vent de l'amendement que pourrait déposer aujourd'hui Daniel Fasquelle, le rapporteur du projet de loi sur la protection des consommateurs. Car si depuis 2007 les opticiens-lunetiers sont déjà autorisés à adapter, «dans le cadre d'un renouvellement, les prescriptions médicales initiales de verres correcteurs datant de moins de trois ans dans des conditions fixées par décret, à l'exclusion de celles établies pour les personnes de moins de 16 ans et sauf opposition du médecin» , le député du Pas-de-Calais aurait l'intention d'aller beaucoup plus loin. Cette fois, c'est pour les enfants qu'il envisagerait un assouplissement du suivi médical, tandis que la limite des trois ans pour utiliser une ordonnance disparaîtrait pour tout le monde. Une démédicalisation larvée du suivi ophtalmologique qui n'est pas du goût du ministère de la Santé où l'on assure «(qu')il n'a jamais été envisagé par le gouvernement de modification tendant à autoriser les opticiens à modifier l'ordonnance faite pour les enfants» . En revanche, l'idée de définir par décret les délais de validité de l'ordonnance pour aller au-delà de trois ans ne se heurte pas au même mur, notamment chez les ophtalmologistes. Reste à discuter le bon délai, sur des critères médicaux, situation par situation.

Ce qui inquiète le plus Jean-Bernard Rottier, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), est l'éventualité de sacrifier, sur l'autel européen de la liberté du commerce et de l'industrie, la proposition de rendre obligatoire l'ordonnance pour obtenir des lunettes ou des lentilles sur Internet. Pour le Dr Rottier, «Il faut l'inscrire dans la loi. Cela semble évident quand on sait que sur les 7 millions de patients qui viennent nous voir chaque année pour changer de lunettes, nous dépistons une maladie chez 4,5 millions !» Oui mais justement, chacun sait bien que les délais pour obtenir un RDV avec un ophtalmo dans certaines régions se comptent en mois sinon en semestres. Pourquoi alors ne pas demander aux opticiens de faire le dépistage de première ligne, quitte à adresser aux ophtalmologistes les cas douteux ? «Ce serait gravissime !, explique Isabelle Castioni, elle-même opticienne depuis plus de trente ans au Mans. On risque de passer à côté de tas de choses. En tant qu'opticien, nous n'avons pas de formation de pathologiste !»

Encadrer la prescription

Selon l'enquête du Groupe français d'étude sur les kératites microbiennes liées au port de lentilles de contact, qui regroupe 14 CHU, le risque d'abcès diminue très largement lorsque l'adaptation et le suivi sont assurés par les ophtalmologistes, ce qui renforce la nécessité d'encadrer leur prescription. Une étude à paraître dans la revue Réflexions ophtalmologiques sur 357 cas d'infections cornéennes sous lentilles montre que le risque est multiplié par neuf lorsque l'adaptation n'est pas faite par un ophtalmologiste.

Chaque année en France, environ 5000 personnes sont hospitalisées pour un abcès de cornée, dont la moitié due aux lentilles et un sous-groupe non négligeable aux lentilles cosmétiques. Une complication redoutée : « Les durées d'hospitalisation peuvent aller jusqu'à un mois et parfois une greffe de cornée est nécessaire », souligne le Dr Rottier. Ce n'est pas pour rien que la manipulation des lentilles de contact et leur entretien s'apprennent et doivent être respectés. Il n'est pas rare que des infections surviennent après plusieurs années de port sans problème en raison d'un relâchement de l'hygiène basique, y compris le simple lavage des mains (et le séchage, pour éviter les micro-organismes parfois présents dans l'eau du robinet).

L'entretien des lentilles et la dépose immédiate au moindre problème font partie des bons réflexes du porteur de lentille prudent. Reste l'inquiétude des ophtalmologistes à voir vendues sans aucun contrôle médical, en supermarché ou sur Internet, des lentilles cosmétiques que les porteurs ne voient pas comme un objet potentiellement dangereux. Tout comme les porteurs de lentilles jetables journalières qui s'imaginent parfois à l'abri des complications infectieuses. À tort.