Les complémentaires santé « dépassent les bornes ». A la une du Parisien

Dans son édition du jour, le Parisien propose un dossier de deux pages consacré aux complémentaires santé. Le thème : « quand les mutuelles dépassent les bornes » : frais de gestions démesurés, tarifs trop élevés et remboursements à la baisse : les assurés sont de plus en plus pénalisés par les pratiques commerciales des complémentaires santé, pointe du doigt le quotidien.
Pour étayer ses propos, le quotidien rappelle « qu’elles sont incontournables dans le système de santé : 96 % de la population en a une ». « Pourtant, les complémentaires santé réservent aussi de bien mauvaises surprises », ironise-t-il.
Le marché est « juteux » avec plus de 33 milliards d’euros par an pour les assureurs privés, mutuelles et institutions de prévoyance, mais les Français ne perçoivent en retour que 26 milliards d’euros. La raison ? Les « frais de gestion parfois astronomiques » (jusqu'à 28 %, selon la Cour des comptes). « Un marché qui vient encore de grossir, stimulé par la loi ANI imposant aux entreprises privées de proposer, depuis le 1er janvier, une couverture complémentaire à chaque salarié ».

«  Et c’est la douche froide… »

L’auteur du dossier fait savoir également que « 80 % des contrats en cours sont labellisés ‘responsables’ et bénéficient à ce titre d’importants avantages fiscaux ».  De ce fait, le manque à gagner pour l’Etat est « proche de 3 milliards d’euros par an ».
L’autre critique formulée dans le journal concerne le plafonnement des remboursements : Ces nouvelles conditions, les Français sont en train de les découvrir au moment des renouvellements des contrats qui courent jusqu’en 2017. Et c’est la douche froide. (…) Les remboursements sont désormais parfois si faibles que les complémentaires ont déjà trouvé la parade en commercialisant… des surcomplémentaires », se gausse l’auteur de l’enquête.
Les remboursements sont en baisses mais les tarifs continuent d’augmenter : +13,1 % depuis 2011, selon l’Insee. Selon les calculs du Centre technique des institutions de prévoyance, les nouvelles règles vont pousser les tarifs à bondir de 15 à 50 % dans certaines entreprises d’ici deux ans.

La bonne santé des Ocam

En 2013, elles ont dégagé 223 millions d’euros de « profits » auquel il faut y ajouter « un trésor : les placements financiers et immobiliers », souligne le quotidien. « Selon un rapport de la Direction des statistiques du ministère de la Santé, publié en juin, la solvabilité moyenne des complémentaires est 3,6 fois supérieure à ce qu’exige la réglementation ! Mais, dans le détail, difficile d’en savoir plus. Car, si la réglementation prévoyait qu’elles publient leurs comptes à partir de 2012, la quasi-totalité des mutuelles cultivent toujours le secret sur leurs chiffres », regrette le journal.

« Elles sont tout sauf transparentes »

Dans son dossier, le journal s’appuie sur des témoignages d’adhérents qui se plaignent du manque de couverture de leur complémentaire santé. De son côté,Frédéric Bizard, économiste et professeur à Sciences-po Paris explique que les Ocam sont « tout sauf transparentes ». « Leurs contrats sont impossibles à comparer et leur efficacité est contestable. Regarder le secteur des lunettes et du dentaire. C’est là où les complémentaires sont les plus présentes, là où elles paraissent rembourser le mieux et pourtant c’est sur l’optique et le dentaire que l’on observe le plus de renoncements aux soins », explique-t-il.
Après avoir longtemps dénoncé « le prix exorbitant des lunettes et les marges des opticiens », les médias changent de cible et tirent cette fois à boulets rouges sur les Ocam.

Des réseaux de soin économiquement bons pour personne

LES RÉSEAUX DE SOIN SONT-ILS BON POUR LA SANTÉ ?

Les Réseaux de soin sont-ils bons pour la santé ?
Depuis la mise en place de la loi Leroux, les mutuelles ont le droit de créer leurs réseaux de soin (optique, dentaire, audio, et maintenant cliniques médicales spécialisées) et peuvent pratiquer un remboursement différencié sur leurs contrats. Cette législation représente, pour nous, une atteinte à la liberté du patient de choisir son soignant. Quant aux réseaux, ils imposent un cahier des charges toujours plus lourd aux professionnels de santé, et s’immiscent dans leur façon d’exercer leur activité, avec un risque sur la qualité des soins prodigués.

Les réseaux de soin, un moyen pour les OCAM et la Sécurité sociale de faire des économies ?
Mais que disent les défenseurs des réseaux ? Dans le secteur de l’optique, leur argument « massue » est la baisse du prix des équipements optiques grâce à des économies de volume, donc des remboursements moins importants, donc des économies pour les mutuelles et la Sécurité sociale. Le prix des lunettes a en effet été tiré vers le bas à cause des contraintes imposées par les réseaux de soin. Mais, les mutuelles et la Sécurité sociale font-elles véritablement des économies grâce aux réseaux?

Un partenariat « gagnant-gagnant », sauf pour les soignants
Dans le milieu de l’optique toujours, on observe :
  • une stagnation du prix moyen par équipement
  • une baisse des marges des opticiens
  • une baisse du chiffre d’affaires par point de vente (-1.3% en 2013 et -2.1% en 2014), principalement à cause de l’augmentation constante du nombre de points de vente.
Donc les opticiens ne bénéficient pas dans l’ensemble de cet accroissement d’activité du secteur (baisse du CA par point de vente et baisse de marges : double peine). Pour un partenariat gagnant-gagnant entre réseau de soin et opticien, on a vu mieux !

Une hausse des dépenses de santé en optique
Mais là où le sujet devient édifiant, c’est que même les OCAM, qui ont créé ces réseaux de soin, ne semblent pas non plus bénéficier des promesses initiales d’économies. En effet :
  • Les dépenses d’optique augmentent malgré tout (+30.5% en 10 ans) pour atteindre 6.1 Mds € en 2015
  • Pire, le rythme de croissance du marché a augmenté plus vite, à mesure que les réseaux se sont développés (+6.7% de croissance annuelle depuis la Loi Leroux), alors que les réseaux étaient censé être déflationnistes…
  • Au vu du désengagement de la Sécurité sociale, la facture pour les OCAM s’élevait en 2015 à 4.4 Mds €, soit près de 13% des cotisations encaissées
Bref, les OCAM ne bénéficient pas des supposées économies que permettent les réseaux, puisqu’en réalité, ces réseaux semblent avoir un effet inflationniste.

Une baisse de la qualité du matériel vendu
Ces chiffres peuvent également nous amener à nous poser la question : mais si les prix des lunettes stagnent, et que le CA global de l’optique augmente autant, c’est que l’on vend beaucoup plus de lunettes ? Pourtant, les besoins des porteurs de lunettes eux, n’ont pas de raison d’évoluer radicalement. Alors pourquoi le taux de renouvellement augmente-t-il tant ? S’il y a probablement de nombreuses raisons pour l’expliquer, il est légitime de penser qu’une baisse de la qualité des équipements peut contribuer à cette tendance (simple à comprendre si l’on prend l’exemple des traitements anti-rayures).
Donc le porteur de lunettes verrait une augmentation du coût de sa complémentaire santé (qui reporte la hausse des remboursements optiques, en payant des taxes par-dessus), perdrait une partie de la liberté de choix de son soignant (il faut aller dans le réseau sous peine d’être moins remboursé), couplé parfois, à une baisse de qualité des équipements qu’il reçoit. On dirait que ce système ne bénéficie donc pas non plus aux patients …

Des réseaux de soin économiquement bons pour personne
En abaissant le prix des lunettes, les réseaux de soin ont donc fait baisser la marge des opticiens, ce qui a impacté la qualité des produits. Cette baisse de qualité a donc engendré une hausse des dépenses en optique, ce qui ne permet pas aux OCAM ainsi qu’à la Sécurité sociale de faire des économies sur ce secteur.
L’exemple que nous venons de prendre peut parfaitement s’appliquer à d’autres secteurs. Il soulève par ailleurs une question de fond : si les réseaux de soins engendrent une hausse des dépenses dans certains domaines, et donc ne sont pas bons économiquement pour les complémentaires santé et la Sécurité sociale, pourquoi continuent-ils à se développer ? Quelle est leur utilité ? Qui en bénéficie ?
Une chose est sûre, ce ne sont ni les soignants, qui voient leurs bénéfices baisser, ni les patients qui, d’une part, n’ont pas accès à la meilleure qualité et d’autre part, perdent la liberté de choisir leurs professionnels de santé, qui bénéficient de ces réseaux de soin.


Article paru sur acuite jeudi 13 Avril 2017 .
"Suite à certains propos sur notre secteur, le Groupement des industriels a développé un argumentaire visant à combattre des idées reçues. Leur souhait : un débat apaisé qui dépasse les caricatures rapides et les promesses électoralistes. Ces 5 arguments peuvent être utilisés en magasin en réponse à certains clients. Nous reprenons in extenso les propos tenus du Gifo (Groupement des Industriels et Fabricants de l'optique).
1. Les lunettes coûtent plus cher en France
A produit et mode de distribution comparables, les prix hors taxe sont identiques, voire moins élevés que ceux constatés ailleurs en Europe. Le prix d'achat moyen de lunettes correctrices est 344€ en France, contre 388€ en Allemagne (Optical Monitor 2016, GfK). En France, le prix de vente des lunettes comprend 20% de TVA, quand elle est limitée à 3% au Luxembourg et à 4% sur les verres en Italie (European Commission, VAT rates 2017). Les Français ont accès à des équipements mieux adaptés à leurs besoins. A titre d'illustration, en 2015, 48% des Français étaient équipés en verres progressifs, quand seuls 24% des Italiens et 21% des Anglais avaient accès à cette technologie (Optical Monitor 2015, GfK).
2. Toutes les lunettes se valent
Leur simplicité apparente fait oublier qu'il s'agit de produits de santé qui doivent répondre à des normes de fabrication et de conformité indispensables à la sécurité du patient. Peu discriminant, le marquage CE repose sur une auto-certification rarement contrôlée. Les matériaux, techniques et traitements utilisés n'offrent pas tous la même qualité de vision, ni les mêmes conditions de confort, de résistance et de durabilité des équipements.
L'optique est une industrie de haute précision pour délivrer les caractéristiques optiques exactes. Selon le modèle, entre 100 et 200 opérations sont nécessaires pour réaliser une monture. Quant au verre, certaines gammes nécessitent jusqu’à 65 étapes de fabrication. L’industrie doit gérer des centaines de milliers de références correspondant aux innombrables formules de corrections de chaque porteur. Les verres ophtalmiques sont réalisés pour une large part à l’unité, sur-mesure.
3. Il n'y a plus de fabricant de lunettes en France
En France, environ 70 sites industriels fabriquent verres et montures, notamment en Bourgogne-Franche-Comté et en Auvergne-Rhône-Alpes. La filière compte 10 500 emplois directs (designer, régleur commandes numériques, soudeur, ingénieur nanotechnologie...) et rayonne à l'international avec 50% de son activité à l'export.
4. La régulation par les prix permet de lutter contre le renoncement aux soins en optique
Le renoncement aux soins visuels est davantage imputable à un manque d'information sur les droits sociaux et à la complexité du parcours de soins, comme le démontre notamment l’étude Gallileo Business Consulting de 2015 pour Emmaüs Solidarité et VisionSoliDev.
Des filets de protection sociale existent pour les plus fragiles. La CMU-C prend en charge une paire de lunettes par an. D’autres dispositifs existent, comme l’initiative portée par l’association Optique Solidaire pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS).
Le marché offre déjà des solutions à tous les prix. Des offres adaptées aux petits budgets, à partir de 29 €, sont présentes dans tous les magasins
5. Une prise en charge à 100% des lunettes permettra un meilleur accès aux soins
La politique du reste à charge nul conduirait au contraire à une restriction de l’accès aux soins : nivellement par le bas des produits proposés, standardisation des solutions, au détriment des besoins plus rares ou plus spécifiques.
Elle rendrait inopérante toute politique de prévention et tarirait le financement de l’innovation, absolument essentielle dans une société où l’espérance de vie augmente et les besoins visuels croissent.
Elle accélérerait l’importation de produits issus de pays à bas coûts au détriment de la fabrication locale, fragilisant toute une industrie et ses emplois directs et indirects en France.
Quelles solutions existent ?
Assurer l'accès de tous à la santé visuelle en garantissant notamment la liberté de choix des patients : des produits, d’un professionnel, du financement et en poursuivant la dynamique de délégation de tâches aux orthoptistes et opticiens, tout en rappelant que l’ophtalmologiste est la pierre angulaire de la filière de santé visuelle.
Autres propositions du Gifo : améliorer l'efficience de la prise en charge de la santé visuelle : suppression du plafonnement de la prise en charge des lunettes par les mutuelles et remboursements différenciés ainsi que l'application d'un taux réduit de TVA pour les lunettes au titre de la compensation d’un handicap, a minima pour toutes les aides visuelles des malvoyants.
Garantir la qualité des produits mis sur le marché pour protéger les patients et lutter contre la concurrence déloyale des produits non conformes et améliorer la prévention.